« La corde raide » parait aux éditions du Sagittaire en 1947. Après « Le tricheur » (1945) c’est le second livre de Claude Simon (1913 – 2005), prix Nobel de littérature en 1985.
I) – La reliure de la corde raide
Plein cuir d’autruche noir, la peau a été amincie à la machine puis mise en presse après humidification ce qui a eu pour effet d’écraser les picots, en haut à droite.
Dos lisse, reliure janséniste.
Tête « or » obtenue en frottant, avec le doigt, la tête rognée avec une pâte d’or :
Tranchefile en cuir d’autruche. On voit bien la difficulté d’utiliser de la peau d’autruche sur cette tranchefile et sur les champs des plats. En effet, au rempliage, les picots s’ouvrent et donc il faut les recoller et les écraser au plioir.
Gardes en papier cuve vénitien de chez « Alberto Valese-Ebrû »
II) – La corde raide : la genèse
Au fond, « La corde raide » c’est « l’inépuisable chaos du monde » titre de l’exposition de 2013 à la BNF autour de l’oeuvre de Claude Simon.
Entre autres Claude Simon a vu la guerre d’Espagne (1936), voyagé dans toute l’Europe (1937), vécu la mobilisation (1939), la débâcle (1940), le camp de prisonniers, la fuite, la Résistance….Mais c’est après le suicide de sa femme Renée qu’il commence « La corde raide« .
C’est pourquoi on éprouve, dans ce texte écrit à la première personne, la déréliction de Claude Simon marquée dans ses réflexions sur la mort, la guerre, la liberté, la violence, la création…
En outre on reconnait les figures tutélaires de l’écrivain :
- Dostoïevski en exergue.
- Proust avec un incipit calqué sur celui de « La recherche du temps perdu ».
- Cézanne partout qui l’inspire et lui donne « l’envie d’écrire comme un peintre a avant tout l’envie de peindre ».
Par ailleurs on note que ce récit s’ouvre et se ferme sur une fenêtre et un acacia.
III) – L’exemplaire
Définitivement en 1957, Claude Simon rejoint les éditions de Minuit qui ont racheté en 1951 les éditions du Sagittaire. Jérome Lindon reprend dans le stock les invendus des 2 premiers romans de l’écrivain et remplace les couvertures.
C’est parce que Claude Simon a toujours refusé la réédition de ses 4 premiers livres que j’ai acheté cet exemplaire en 2003.
Voilà cette chimère :
d’abord un texte imprimé par les éditions du Sagittaire qui compte 3×2 feuilles non imprimées soit 6 pages de texte manquant. Avis aux lecteurs bibliophiles de Claude Simon : Est-ce le cas de tous les exemplaires de « la corde raide » et pourquoi?
Puis une première de couverture emblématique des éditions de Minuit :
et enfin une quatrième de couverture intéressante qui réunit les critiques élogieuses du précédent livre de l’écrivain « Le tricheur » avec un « état des lieux » des auteurs ferrés par Jérôme Lindon et un hapax de Claude Simon « babel ».
P.S. Claude Simon a toujours entretenu des relations épistolaires bienveillantes et cordiales avec ses lecteurs. C’est pourquoi je lui ai fait part de mon étonnement au sujet de ces pages vierges. C’est Réa Simon sa femme qui a travaillé avec lui depuis les années 60 qui m’a répondu. Elle m’a envoyé la photocopie des pages 166 et 167. Son nom est associé à celui de son mari pour le prix « Claude et Réa Simon » qui a été décerné cette année à Megan Whightman.
De gauche à droite : Réa Simon, Mireille Calle-Gruber et Claude Simon.
IV) – Le livre
Édition originale de ce livre, en fait unique édition.
Achevé d’imprimer le 8 avril 1947 pour les éditions du Sagittaire.
Les paragraphes II) et III) ont été rédigés et vécus par CP.
« La corde raide » de Claude Simon a été relié en octobre 2003.