Le Sacre du printemps parait aux Éditions Calmann-Lévy en 1954. Après Le tricheur (1945), La corde raide (1947) et Gulliver (1952), c’est le quatrième livre de Claude Simon (1913-2005), prix Nobel de littérature en 1985.
I) – Le Sacre du printemps, la reliure
D’abord, et c’est l’essentiel, il s’agit d’un plein cuir violet foncé avec 10 mosaïques bordeaux en rosace.
Ensuite la tranchefile est en cuir bicolore violet-bordeaux.
Puis, le dos s’orne de 5 nerfs.
Enfin, les gardes couleur en papier marbré fait main protègent le livre. Elles s’harmonisent avec les couleurs des cuirs.
Par ailleurs on notera le choix « cardinalesque » des couleurs.
Du reste ce choix se retrouve dans les tranchefiles.
II) – Le Sacre du printemps, la genèse
En 1951, Claude Simon atteint de tuberculose est « …allongé avec pour seul théâtre une fenêtre… » et comme viatique la lecture.
C’est alors qu’il lit L’adolescent, l’avant dernier roman méconnu de Dostoïevski, récit halluciné d’un adolescent solitaire.
Durant sa convalescence, tandis qu’il publie Gulliver (1952), Claude Simon analyse l’adolescent et le jeune écrivain, sous l’influence du maître, commence son quatrième roman qui paraîtra en 1954 chez Calman-Levy.
Plus tard, il reniera ses 4 premiers romans qu’il n’aimait pas.
Donc Le Sacre du printemps –titre oblige– comporte 2 parties d’égale longueur que l’on pourrait surtitrer, l’adoration et le sacrifice. L’histoire décrit les tourments d’un jeune homme solitaire et malheureux en conflit avec son beau-père qui lui-même évoque sa jeunesse en 1936 pendant la guerre civile espagnole.
Pourquoi lire un livre que Claude Simon a renié et dont le titre augure d’une lecture plus ennuyeuse que la musique coruscante de Stravinski qu’il brave et les immarcescibles chorégraphies qu’il défie ?
Parce que, dès l’élan de l’incipit « c’est seulement au 3ème coup de sonnette qu’elle vient m’ouvrir », on bascule dans le texte pour chercher le début de l’histoire qui n’apparaît qu’à la fin du livre comme dans un roman policier.
Le décor est planté :
- l’odeur du métro,
- les graffitis dans les cafés,
- les bruits de la circulation parisienne,
- le mobilier cubiste (année 50),
- un port,
- des personnages vêtus et maquillés….
L’écriture de C.S. à l’indicatif alternant les phrases brèves et de longs paragraphes avec ou sans ponctuation, les analepses, les répétitions…
Tout cela génère un flux d’images qui s’enchainent sur la rétine.
Bref on tourne les pages d’un folioscope dont l’écriture est cinétique.
C.P.
III) – Le sacre du printemps, fabrication des rosaces
a) Maquette
D’abord mon idée était de mettre 5 mosaïques de rosaces, en cuir bordeaux, sur chaque plat. Voici une esquisse de ce projet.
En premier, avec une équerre et un rapporteur, j’ai positionné sur une feuille de papier ordinaire:
- les centres A,B,C,D,E des rosaces
- les axes de symétrie de la rosace :
En second, grâce à ce plan, j’ai choisi le fleuron n°23 de la série Art de chez Alivon pour les branches de la rosace. Pourquoi le n°23 ? Tout simplement car sa courbure et la longueur de sa corde me permettaient d’intégrer les rosaces dans le rectangle du dessin d’une manière qui me semblait esthétique.
Ainsi, j’ai pu ajuster la taille des lunules avec différents fleurons ce que je n’aurai pas pu faire, aussi simplement avec un compas.
Alors j’ai marqué à l’encre les rosaces :
Enfin, pour utiliser facilement cette maquette, je l’ai photocopiée sur un simili-japon.
b) Mosaïque
Premièrement :
- reproduire la maquette à chaud sur le cuir à l’aide du fleuron n°23
- marquer « mouillée » la maquette sur le cuir à l’aide du fleuron n°23
- gratter les 5 rosaces avec le vaccinostyle
Deuxièmement :
- reproduire sur du cuir bordeaux une lunule avec le fleuron n°23
- les découper au scalpel (x30 pour les 5 rosaces)
- les fixer sur le cuir violet.
- Faire la même chose avec le plat du dos.
Si vous voulez davantage de détails, cliquez ici.
c) Le dos
Étant donné que le dos comprend 5 nerfs, j’ai décidé de décorer les 6 entre-nerfs.
Pour le deuxième et le troisième, très classiquement j’ai fait titré l’auteur et le titre en bordeaux par Melle Drilhon, doreuse sur cuir à Versailles. Je lui avais fourni l’oeser nécessaire.
Pour les 4 autres entre-nerfs, j’ai mosaïqué 4 petites rosaces (les lunules bordeaux apparaissent peu).
IV) – Le Sacre du printemps, l’ouvrage
Par ailleurs l’éditeur Calmann-Lévy a publié « Le Sacre du printemps » en mai 1954.
On voit qu’il se compose de 17 cahiers.
Comme cet exemplaire n’avait pas été coupé, j’ai pu reconstituer une page telle qu’elle est sortie de l’imprimerie, avant brochage.
V) – Le Sacre du printemps, quelques étapes de la reliure
En dernier lieu, je publie quelques photos du travail de reliure effectué sur ce livre :
Je suis plutôt satisfait du résultat 🙂
Exquise aventure que celle de ce livre et de sa reliure.
Moi, quand j’étais petit, mes rosaces je les faisais au compas et de toutes les couleurs. C’était joli aussi.
Moi aussi mais ici ce n’est pas pratique pour le choix des fleurons.
Combien d’applications de ce fer arrondi ? J’en ai le tournis
480 si je ne m’abuse.
Tant qu’il n’est pas coupé, vous respectez le choix de Claude Simon.